Inspirée des grands ensembles qui émaillent le territoire bourguignon et nourrie de l'étude « Les grands ensembles en Bourgogne » menée par le Service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté de 2014 à 2018, cette maquette virtuelle est un condensé de l'histoire des grands ensembles de l'après-guerre à 2020. Elle propose de découvrir l'évolution d'un quartier fictif sur plusieurs décennies, reflet de l'histoire de la ville et du logement en France à l'échelle d'une ville bourguignonne de taille moyenne.
Chalon-sur-Saône, Dijon, Nevers, Auxerre et bien d'autres villes : les photos issues de l'étude et les documents d'archives sont autant d’exemples qui illustrent la richesse patrimoniale des grands ensembles en Bourgogne.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France compte trois millions de sans-logis vivant dans des baraquements insalubres, des immeubles endommagés ou inadaptés. Et pour les autres, le confort est bien souvent rudimentaire : les salles de bains, toilettes, ainsi que le raccordement au tout-à-l’égout, au gaz et à l’électricité sont encore peu nombreux. Le « baby boom », l’exode rural et l’immigration ne font qu’aggraver cette situation.
Face à cette crise du logement, les premières actions politiques sont lancées, dans la continuité des principes énoncés dans la Charte d’Athènes. Ces nouveaux quartiers résidentiels sont souvent implantés en périphérie des centres-villes historiques, adoptant un zonage rationnel et une architecture moderne aux lignes épurées.
Entre 1947 et 1949, des « chantiers expérimentaux » permettent de mettre en œuvre de nouveaux procédés de préfabrication sur de petits ensembles. Mais ce nouveau mode de construction ne pourra être efficace et rentable que sur des opérations plus vastes, et la crise du logement est toujours aussi pressante.
En 1950-1951, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) lance un programme de construction appelé Secteur Industrialisé (SI) fondé sur les chantiers expérimentaux, mais à une plus grande échelle : ces grands ensembles construits en série doivent regrouper au minimum 800 logements et permettre de construire 10 000 logements par an pendant 5 ans à l'échelle de la France.
A gauche : photographie ancienne 1959. Fonds Gros, © musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône.
A droite : photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2018.
Afin de réduire les coûts de construction et d'accélérer les chantiers, les projets intègrent de plus en plus d'éléments préfabriqués et standardisés de petites et moyennes dimensions comme les huisseries et les canalisations, ainsi que le béton banché. Ces matériaux modernes sont utilisés en combinaison avec des matériaux plus traditionnels tels que la pierre (souvent en soubassement), les murs en moellons, la brique pour les balcons, les allèges ou encore les cheminées. Il en résulte un système de construction dit « traditionnel évolué » nécessitant encore une importante phase d'assemblage sur le chantier.
Photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2014.
La France subit une vague de froid exceptionnellement rigoureuse durant l'hiver 1954. Les mal-logés et les sans-logis en sont les premières victimes. A la radio, l'abbé Pierre lance le 1er février un appel à la solidarité qui émeut les français et pousse le gouvernement à mettre en place un programme de « cités d'urgence ». Ces petits ensembles préfabriqués, sous-financés et sous-équipés, sont construits à la hâte. Ils deviennent très vite ce que l'on appellera des « taudis neufs » et disparaîtront rapidement. Il n'en reste aucun à ce jour en Bourgogne.
L'échec de ces petits programmes comparé à la relative réussite du Secteur Industrialisé encourage les pouvoirs publics à privilégier la construction de grands ensembles plus importants en nombre de logements.
A la suite du Secteur Industrialisé et des cités d'urgence, le programme expérimental Million est lancé. L'objectif est la construction de logements de 3 pièces pour un million d'anciens francs. Cette procédure prend deux formes : les Logements Économiques Normalisés (LEN) et les Logements Populaires et Familiaux (LOPOFA).
Ce financement réduit oblige les constructeurs à limiter les prestations : surface réduite au minimum, pas de chauffage central, faible isolation, pas d’ascenseur.
Avec les HLM, les LOGECO (Logements Économiques et Familiaux) figurent parmi les programmes les plus fréquemment retenus entre 1953 et 1963. Ils ont permis la construction de logements collectifs aussi bien qu'individuels et pouvaient être menés par des bailleurs sociaux comme par des promoteurs privés.
Bénéficiant d’une prime de l’État de 1000 francs par mètre carré et avec l’obligation d’homologuer les projets avec un plan type, ces programmes ont concouru à développer la standardisation de la construction.
La loi-cadre sur la construction du 7 août 1957 complétée par les décrets du 31 décembre 1958 prévoit la construction de Zones à Urbaniser par Priorité (ZUP). Cette loi est ambitieuse et marque d'ailleurs le passage de l'âge de l'expérimentation à celui de la massification : l'objectif est de bâtir 300 000 logements par an. Concrètement, on verra naître 193 ZUP sur le territoire français, représentant 800 000 logements pour 2,2 millions d'habitants.
Ces grands ensembles sont bien plus vastes que ceux des décennies précédentes et correspondent à un boom de la construction à l'échelle nationale. A tel point que l'acronyme ZUP va être utilisé à tort à partir des années 80 pour désigner des grands ensembles qui n'ont pourtant pas fait l'objet de cette procédure. En Bourgogne, neuf sites seulement correspondent à cette procédure.
Le plan de masse définit le parti urbain à l'échelle d'un projet : il dessine les voiries, matérialise l'implantation des bâtiments, des espaces communs et des équipements collectifs, des espaces verts et des parkings. L'implantation des bâtiments a un rôle prépondérant dans l'organisation du plan de masse : en peigne, perpendiculaire à la voirie ou le long de celle-ci, ces nouveaux quartiers abandonnent l'îlot classique qui se définissait essentiellement par rapport à la notion de « rue ». Afin d'assurer à chaque logement un ensoleillement satisfaisant et d'éviter les vis-à-vis (maux dont souffraient beaucoup de quartiers anciens), les aménageurs privilégient des façades dégagées et de grands espaces ouverts autour des immeubles.
Le dessin de la voirie et des cheminements piétons joue un rôle structurant dans l'organisation d'un nouveau quartier. Ces voies peuvent relier (voie pénétrante, mail piétonnier), mais aussi séparer le quartier des autres zones urbaines (voie qui encercle le quartier, rocade inaccessible aux piétons en périphérie).
Dans le cas des ZUP, la taille des programmes a conduit les architectes à organiser les espaces autour d'une ou deux voies principales appelées « pénétrantes » ou « semi-pénétrantes ». Ces circulations, axes automobiles ou mails piétonniers, structurent le quartier en concentrant les équipements collectifs et en organisant voiries secondaires et volumes bâtis.
Si les axes rectilignes semblent les plus adaptés à une architecture rationnelle faite essentiellement de barres et de blocs, de nombreux aménageurs vont précisément chercher à casser les plans d'aménagement perpendiculaires en dessinant des voies courbes brisant les perspectives.
A gauche : « Archives de la Ville de Dijon », photographie ancienne, 1971, 16 Fi.
A droite : photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2018.
La procédure ZUP va solliciter de nombreux intervenants avec une organisation qui demeure très centralisée au niveau de l’État.
A l'inverse de nombreuses villes anciennes aux rues étroites, les plans de masse aérés et ouverts offrent aux logements des vues dégagées et un ensoleillement satisfaisant.
Le plan des logements, en séparant les espaces de vie de jour (cuisine, séjour) et de nuit (chambres, pièces d’eau), propose une nouvelle manière d'habiter bien différente des logements anciens exigus, qui ne comportaient souvent qu'une ou deux pièces dont la cuisine, cette dernière étant parfois également une pièce à vivre et une chambre.
Enfin, l'équipement des logements offre un confort absent de la plupart des habitations populaires de cette époque : eau, électricité, gaz, ventilation, cuisine, salle d'eau. Pour les familles mal-logées, l'accession à ce type de logement moderne et confortable correspond à un nouveau mode de vie.
La taille des programmes de logements permet le déploiement de nouvelles techniques de construction basées sur la préfabrication, y compris pour les éléments de structure. Le système d'ossature en béton armé laisse progressivement la place à celui du voile (mur) porteur.
Certains chantiers adoptent le principe des ateliers forains qui réalisent les éléments préfabriqués sur place. Pour les opérations de plus de 500 logements, dont les ZUP, la préfabrication en usine se systématise.
L'organisation des chantiers est rationalisée. L'utilisation de chemins de grue, permettant de déplacer celles-ci d'un bout à l'autre du chantier sans avoir à les démonter, en est un bon exemple.
Ces nouveaux modes de construction permettent de réduire encore les délais de chantier et d'optimiser le coût de la main-d’œuvre et des matériaux par une rationalisation et une industrialisation massive.
A gauche : photographie ancienne, septembre 1957. Fonds Gros, © musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône.
A droite : photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2018.
Loin du cliché des cités « grises », la couleur est utilisée dès les premiers projets. Par le choix des teintes d'enduit, mais aussi par des touches de couleurs vives : les allèges, les panneaux de façade colorés ou en gravillons lavés, et même les stores viennent ponctuer des façades de béton plus terne.
La pâte de verre et le grès cérame sont souvent les matériaux de prédilection pour l'ajout de couleur en façade dans les grands ensembles. Financièrement abordables, leur tenue dans le temps est meilleure qu'un enduit.
Anecdotique sur certains projets, la couleur devient fondamentale pour d'autres avec l'intervention de coloristes et la création d'une identité de quartier autour d'ambiances colorées.
Simultanément avec la création des procédures ZUP, les opérations dites de Rénovation Urbaine voient le jour par décret du 31 décembre 1958. Si les ZUP permettent l'aménagement de nouveaux quartiers extérieurs à la ville, la loi de Rénovation Urbaine répond quant à elle au besoin de rénovation des quartiers anciens qui ont été dégradés par un manque d'entretien ou dont les logements peinent à répondre aux nouvelles attentes de la vie moderne. Cette procédure, véritable alter ego de celle des ZUP pour les secteurs déjà existants (ou anciens), permet d'intervenir à proximité du centre des villes et de « cureter » des îlots insalubres pour construire de nouveaux logements.
S'insérant dans la ville existante, ces opérations reprennent en partie la forme de l’îlot ancien. Les projets de Rénovation Urbaine ont un rôle moteur dans l'évolution du quartier où ils prennent place. C'est aussi parfois l'occasion d'élargir les voies et d'ajouter des parkings, ou de créer des équipements publics et des commerces.
A gauche : photographie ancienne, août 1963. Fonds Gros, © musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône.
A droite : photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2015.
Les espaces verts sont prévus dès l'élaboration du plan de masse mais, pour des questions budgétaires, ils ne sont parfois réalisés que plus tard. Pour les premiers groupes construits après guerre, ils se résument souvent à quelques parterres végétalisés du fait du manque de place.
Avant la fin des années 70, il est rare qu'un paysagiste soit associé au projet. De ce fait, les espaces paysagés prennent plutôt la forme d'un remplissage entre masses bâties, d'une végétation diffuse occupant les espaces qui ne sont pas alloués aux logements ou à la circulation.
Chalon-sur-Saône fait ici figure d’exception avec l’aménagement du parc de l’Aubépin par Henri Pasquier, cas qui fera école et dont l’évolution dans le temps à mis en valeur le projet de conception d’origine.
Les plans de masse prévoient la circulation des piétons en la dissociant de celle des voitures : la circulation est souvent repoussée à l'extérieur des îlots alors que l'intérieur, davantage végétalisé, est réservé aux piétons.
A ce titre, certains quartiers sont organisés autour d'un vaste mail piétonnier qui en constitue l'axe principal.
D'autres espaces réservés aux piétons se développent : galeries en péristyle, dalles piétonnes couvrant des parkings ou encore galeries marchandes.
Entre 1950 et 1960, le nombre de voitures individuelles triple en France. En 1968, c'est un ménage sur deux qui possède une voiture, on projette 15 millions de voitures pour 1975. Les aménageurs prennent en compte ce nouvel impératif par la création de voiries adaptées, mais aussi par la création de places de stationnement qui occupent un espace considérable au pied des immeubles. Pour limiter cette emprise, certains parkings sont enterrés, d'autres sont couverts d'une dalle réservée aux piétons.
Les pouvoirs publics prennent conscience des problèmes engendrés par le centralisme des procédures ZUP qui les déconnectent des habitants et des collectivités territoriales. Afin de poursuivre la politique des grands ensembles en y amenant plus de souplesse et de concertation, la procédure ZAC (Zones d'Aménagement Concerté) est instituée en 1967.
La décentralisation de la procédure est confiée au préfet. Un architecte en chef intervient toujours pour définir les îlots qui seront confiés aux promoteurs, mais la concertation avec les collectivités locales est renforcée.
Face au gigantisme de certaines ZUP, la taille des programmes ZAC est limitée à 2 000 logements dans les villes de plus de 50 000 habitants et à 1 000 logements pour les villes moins peuplées.
A gauche : photographie ancienne, janvier 1982. 6 Fi 1761 / Service bâtiment ville de Nevers.
A droite : photographie Thierry Kuntz, Service Inventaire et Patrimoine, Région Bourgogne-Franche-Comté, 2018.
En 1973, la circulaire Guichard met un premier frein à la politique des grands ensembles en privilégiant des opérations de tailles plus restreintes comportant moins de logements, à l'opposé de l'architecture de tours et de barres essentiellement pratiquée jusqu'alors.
On voit alors apparaître dans les nouveaux programmes des pavillons et des petits immeubles collectifs massés de 3 à 10 étages. La part des logements collectifs dans la construction de logements neufs passe de 52 % (depuis 1954) à un tiers (1975-1982).
L'accession à la propriété est encouragée et le pouvoir en place à partir de 1974 développe une politique favorisant le logement individuel. C'est l'avènement du pavillon de banlieue qui sera massivement plébiscité par les Français.
Les classes moyennes quittent les grands ensembles tandis qu'une part de leurs logements est réservée aux bénéficiaires de l'Aide Personnalisée au Logement (APL), entraînant une baisse de la mixité sociale.
Les procédures ZAC ont déjà remis en cause l'architecture de tours et de barres des premiers grands ensembles. Une nouvelle série de circulaires ministérielles vise à limiter la taille des opérations sans renoncer à une productivité importante, en réutilisant des modèles éprouvés dans différentes agglomérations.
Avec cette Politique des Modèles, la répétition ne se fait plus à l'échelle d'une ville mais sur un territoire plus vaste, par petites opérations limitant l'impression d'uniformité des quartiers. Ces immeubles sont pour l'essentiel de type plot ou bloc, avec des volumes moins linéaires et des compositions de façade présentant plus de relief.
Un modèle est généralement élaboré par un groupement d'architectes, d'ingénieurs, de bureaux d'études et d'entreprises. Il est mis en œuvre sur une première opération. Si le résultat donne satisfaction, il pourra être employé avec quelques variantes (hauteur, nombre de travées) dans différentes villes, dans des opérations de taille restreinte.
Les équipements collectifs sont assez limités au sein des grands ensembles : commerces de première nécessité, écoles primaires et maternelles, équipements sportifs ou associatifs, édifices cultuels, équipements sociaux. Ils sont la plupart du temps de portée locale et ne concernent que les habitants du quartier.
Souvent construits de plain-pied ou sur quelques niveaux, ils occupent généralement une place modeste dans la cité au regard des barres et des tours aux volumes bien plus imposants.
En rupture avec les plans de masse ouverts qui caractérisent les grands ensembles, des architectes prônent un retour à une urbanité plus classique : îlots réduits dans un parcellaire de ville traditionnel, alignement des façades sur la rue créant un front urbain. Les codes sont ceux de la ville ancienne de taille moyenne, voire du village. L'architecture est post-moderne, en contraste avec les grands ensembles des années 50 et 60.
Cette nouvelle façon de faire la ville qui revendique une continuité historique en opposition avec la rupture des grands ensembles, trouve sa source dans différents mouvements et nouvelles pensées urbaines comme le courant de la Tendenza. Elle sera qualifiée de « retour à la ville ».
Les espaces verts des opérations des années 70 et 80, qui consistaient essentiellement en un remplissage entre masses bâties, n'avaient pas fait l'objet d'études ou de recherches particulières, et leur financement restait réduit.
Les années 80 voient intervenir plus fréquemment des paysagistes qui vont travailler à la création d'espaces différenciés aux caractères propres : placettes, aires de jeux, pelouses traitées en clairières, cheminements variés, végétalisation de mails piétonniers, sculptures et fontaines. Ces espaces extérieurs se diversifient, animent le quartier et participent à la redéfinition de son identité.
La rationalisation de la construction, les impératifs financiers et l’esthétique moderne conduisent à une architecture aux lignes épurées et aux façades planes qui peut paraître terne.
Dès les premiers grands ensembles, les architectes cherchent à briser cette monotonie en jouant sur l’agencement et la trame des baies, le relief des façades (redans, loggias, balcons, jardinières, voiles porteurs courbes), la variété des matériaux (cailloux roulés, gravillons, béton architectonique avec du relief ou des motifs) et l’utilisation de la couleur (enduits, peintures, huisseries).
Les projets des années 80, en rupture avec les grands ensembles qui les ont précédés, mettent tout en œuvre pour se distinguer des tours et des barres. Les volumes en façade évoquent plusieurs bâtiments distincts accolés, les balcons et les baies sont de formes diverses, et leur disposition permet d’éviter la régularité et la répétition en évoquant une répartition aléatoire.
Les premières émeutes de banlieues renforcent la stigmatisation de ces quartiers et alertent les pouvoirs publics sur les difficultés que traversent leurs habitants. L’État met en place une procédure de Développement Social des Quartiers (DSQ) qui se définit par trois grands principes : agir sur les causes de la dégradation (chômage, échec scolaire, pauvreté, etc.), agir sur les dégradations elles-mêmes et associer les habitants à la vie du quartier.
Ces opérations se traduisent par la rénovation des logements (isolation, ajout de balcons, animation des façades), la création ou le traitement d'espaces communs (halls, espaces verts), une meilleure desserte du quartier, et la réalisation d'équipements collectifs supplémentaires comme des maisons de quartier, des espaces associatifs ou culturels, et des équipements sportifs.
Les budgets réduits et l'urgence de la reconstruction ont généré des dysfonctionnements dans les grands ensembles dès l'origine : chauffage, isolation thermique et phonique, vide-ordures, ventilation, étanchéité, etc. A cela s'ajoute un vieillissement accéléré par un défaut d'entretien. La mise en place des opérations HVS (Habitat et Vie Sociale) et DSQ (Développement Social des Quartiers) entame une phase de réhabilitation de ces logements.
L'intervention est technique (fermeture des celliers, isolation par l'extérieur, nouveau système de chauffage, remise aux normes), mais aussi symbolique par la recherche d'une nouvelle identité pour des quartiers stigmatisés. L'architecture des grands ensembles cherche à se faire oublier par l'ajout de toitures traditionnelles à pans, d'éléments architecturaux classiques plus « accessoires » comme des frontons, des colonnes ou des oculus, et par un nouveau traitement des espaces verts. Le choix des teintes est également en rupture avec l'image de quartiers « gris ».
La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) en 2000, suivie de la création de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) en 2003, donne un nouvel élan dans la rénovation et la mutation des grands ensembles. C'est aussi une décennie marquée par une accélération des démolitions. A Chalon Nord et à Saint-Pantaléon (Autun), c'est environ 30 % des bâtiments qui sont démolis.
La démolition s'impose parfois du fait de la vétusté des logements. Elle intervient aussi dans le cadre du désenclavement des quartiers en ouvrant de nouvelles perspectives et en dégageant des espaces clos.
Ces démolitions sont le symbole du reniement d'une forme architecturale maintes fois décriée. On constate aussi l’attachement des habitants à leur quartier lors de la destruction de ces tours et de ces barres.
Un des objectifs des programmes de Développement Social des Quartiers (DSQ) est le désenclavement des grands ensembles : implantés en périphérie des villes historiques, loin des centres-villes et de leurs services, la voirie qui les enserre les isole des autres quartiers. La pénurie de transport en commun complique encore les déplacements quotidiens de leurs habitants.
Les programmes DSQ visent à désenclaver ces quartiers et à améliorer la jonction avec les centres-villes en complétant le réseau de voirie et en améliorant la desserte des transports en commun par un renforcement des lignes de bus.
Entre 2014 et 2018, le service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté a mené une étude sur les grands ensembles en Bourgogne, en consacrant un volet important à l’architecture des Trente Glorieuses à Chalon-sur-Saône (71).
Elle a été l'occasion de conduire une importante couverture photographique du territoire. Mise en regard de clichés anciens issus des archives départementales ou municipales et de collections privées (fonds Gros et Combier), elle offre une vision saisissante de quartiers en perpétuelle évolution.
La valorisation des résultats de l’étude a conduit à la publication de l'ouvrage Divers|Cités. Les grands ensembles : Bourgogne & Chalon-sur-Saône dans la collection des Cahiers du Patrimoine. La présente application découle de cet ouvrage de référence.
Les grands ensembles ont apporté une réponse à la grave crise du logement au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été l'objet d'expérimentations, ont connu une multitude de procédures administratives et ont subi des rénovations et des destructions pour arriver jusqu'à nous comme un objet patrimonial bien vivant.
Quel avenir pour ces quartiers ? Les défis sont nombreux et complexes, relevant de l'architecture et de l'urbanisme, mais aussi d'un contexte économique, de décisions politiques et, finalement, d'un choix de société.
De l'engouement des premiers occupants à la destruction des barres et des tours, au fil des réhabilitations et des mouvements de population, les grands ensembles se sont inscrits durablement dans le paysage français.
Rendez-vous en 2050 pour le centenaire des grands ensembles ?
Cet outil a été réalisé par la Région Bourgogne-Franche-Comté, service Inventaire et Patrimoine.